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Contrôler les réactions de réduction du dioxygène pour la production de peroxyde d’hydrogène

Publié le 4 septembre 2020
L’utilisation du dioxygène (O2) pour de la réactivité peut s’inspirer de processus catalysés par le Vivant. O2 est un effet une molécule centrale du métabolisme. De par sa configuration électronique (He(σs)2s*)2z)2x)2x)2x*)1y*)1), son état triplet fondamental (3O2) est peut réactif avec les molécules organiques dont l’état fondamental est singulet (1S). Cette interdiction de spin est levée en présence d’un cofacteur métallique, comme le fer ou le cuivre présents chez certaines métalloenzymes. Des activités variées allant de son transport à son utilisation pour l’activation de liaisons C-H très énergétiques et la biosynthèse de molécules d’intérêt deviennent alors possibles.

La réduction de O2 est aussi un processus important. On parle alors de réactions de réduction de l’oxygène (RRO) [1, 2]. O2 peut en effet être réduit à 2e-/2H+ pour produire du peroxyde d’hydrogène (H2O2, Eq. 1) ou à 4e-/4H+ pour former de l’eau (H2O, Eq. 2)).

O2 + 2e- + 2H+ ⇆ H2O2Eq.1 O2 + 4e- +2 H+ ⇆ 2H2O Eq. 2

La réduction à 4e- est le processus clé du photosystème II. C’est aussi la demie-réaction qui a lieu à la cathode des piles à combustibles (Figure 1).

Figure 1. Schéma général de fonctionnement d’une pile à combustible.

De son côté, H2O2 est une molécule importante qui participe à la réponse immunitaire contre les microbes [3]. C’est aussi un cofacteur chimique pour la Galactose oxydase puisque sa dismutation permet d’alimenter le cycle catalytique de l’enzyme en O2[4]. H2O2 est aussi une molécule importante du point de vue industriel avec une demande mondiale d’environ 3 millions de tonnes par an [5, 6]. Elle trouve des applications comme oxydant dans certaines réactions chimiques, comme antiseptique, dans le blanchiment du papier et la gravure de circuits électroniques [7]. Depuis peu, H2O2 a aussi émergé comme carburant potentiel pour les piles à combustibles. Pouvant être oxydé ou réduit à deux électrons, l’avantage est ici de ne plus avoir besoin de compartimenter le système (Figure 2) [8].
Figure 2. Pile à combustible mono-compartimentée pouvant fonctionner à H2O2.

Actuellement, H2O2 est principalement produit par le procédé anthraquinone [7]. Ce dernier est extrêmement énergivore, potentiellement explosif, polluant et le rendement est faible avec une teneur en H2O2 difficile à maitriser. Il y a donc un intérêt majeur à proposer de nouveaux procédés plus efficaces et éco-compatibles.

Compte tenu de leurs structures, nos complexes de cuivre à bas degrés se sont avérés être des candidats potentiels pour effectuer des RRO. Ils ont donc été testés dans des conditions classiques, qui nécessitent la présence d’une source de protons et d’électrons sacrificiels. LutHBF4 et des dérivés du ferrocène ont été choisis. Ces derniers permettent de balayer une gamme assez importante de potentiels redox car leurs potentiels redox standards sont ajustables en fonction du nombre et de la nature des substituants. Une sélectivité proche de 100% en H2O2 a pu être obtenue dans le cas du complexe 1 en maitrisant la quantité d’électrons présents en solution, et ce dans l’acétonitrile [9] (Figure 3). Les autres membres de la série sont en cours d’étude actuellement. Ces résultats sont intéressants car obtenir une telle sélectivité avec des complexes de cuivre à environnement S/N est unique. Cependant, l’inconvénient de la méthodologie est que le milieu réactionnel final voit le H2O2 formé “pollué” en particulier par la présence des dérivés de métallocènes oxydés. H2O2 est donc inutilisable en l’état.


Figure 3.

Pour contourner ce problème, l’idée a été de se tourner vers la catalyse hétérogène ou supportée. Ce faisant, si le catalyseur et la source d’électrons sont immobilisés sur une surface, leur élimination de la solution n’en sera que plus aisée (Figure 4). Le concept d’une chimie environnementale, recyclable, apparait donc dans le champ des possibles.


Figure 4
. Approche visant à adosser le catalyseur à une surface pour l’obtention d’un procédé éco-compatible et contrôlé.

Le choix du support est crucial. Il doit être multi-adressable pour pouvoir recevoir le catalyseur et la source d’électrons. Les silices mésoporeuses (notées SiO2 ici) ont donc été choisies en ce sens et une collaboration avec le Pr. L. Bonneviot et le Dr B. Albela de l’ENS Lyon a été initiée. L’objectif est de fonctionnaliser les silices par greffage des acteurs de la catalyse et d’utiliser la structure mésoporeuse pour confiner et orienter la réactivité (Figure 5). Cela sera par exemple possible par le greffage de la source d’électrons à différents niveaux par rapport à la face interne des pores. SiO2 agira finalement comme réservoir d’électrons et mini-réacteur.


Figure 5
. Stratégie d’association des catalyseurs et des dérivés du ferrocène à des structures de type SiO2.


Les résultats présentés ont fait l’objet de la publication suivante :
• Mangue, J.; Gondre, C.; Pécaut, J.; Duboc, C.; Ménage, S.; Torelli, S.; Chem. Commun. 2020, 56, 9636-9639


Références bibliographiques
[1] (a) Machan, C. W., ACS Catalysis 2020, 10 (4), 2640-2655
[2] Pegis, M. L.; Wise, C. F.; Martin, D. J.; Mayer, J. M., Chem.Rev. 2018, 118 (5), 2340-2391
[3] Nathan, C.; Cunningham-Bussel, A., Nature Reviews Immunology 2013, 13 (5), 349-361
[4] Solomon, E. I.; Sundaram, U. M.; Machonkin, T. E., Chem. Rev. 1996, 96 (7), 2563-2605
[5] In Ullmann's Encyclopedia of Industrial Chemistry, Wiley: 1999-2013
[6] Bryliakov, K. P., Chem. Rev. 2017, 117 (17), 11406-1145
[7] Campos-Martin, J. M.; Blanco-Brieva, G.; Fierro, J. L. G., Angew. Chem. Int. Ed. 2006, 45 (42), 6962-6984
[8] Yamada, Y.; Fukunishi, Y.; Yamazaki, S.-i.; Fukuzumi, S., Chem. Commun. 2010, 46 (39), 7334-7336 
[9] Mangue, J.; Gondre, C.; Pécaut, J.; Duboc, C.; Ménage, S.; Torelli, S.; Chem. Commun. 2020, 56, 9636-9639