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Fait marquant

L'inversion de valence induite par (dé)protonation est un mécanisme concerté



Le travail réalisé au cours de cette étude a pour objectif de déchiffrer le mécanisme d'un transfert d'électron intramoléculaire associé au transfert d'un proton au sein d'un complexe de fer binucléaire. Les résultats de ces chercheurs permettent de proposer que dans la réaction observée, les transferts de l'électron et du proton sont concertés.​

Publié le 5 mars 2012

De très nombreux processus essentiels du vivant (respiration, activation de l'oxygène par exemple) font intervenir des transferts (multi)électroniques parfois sur de très longues distances. De même, les transferts électroniques sont impliqués dans de très nombreuses réactions chimiques et catalytiques. Or l'accumulation de charges associée aux transferts électroniques constitue une pénalité énergétique importante. Cette pénalisation peut être évitée en associant aux transferts d'électrons des transferts de protons. La démonstration en a été faite récemment dans de nombreux cas comme l'oxydation de la tyrosine TyrH en radical tyrosinyl Tyr•. Les mécanismes et les conséquences énergétiques de ces transferts d'électrons et de protons couplés constituent depuis une décennie un domaine de recherche très actif par ses implications en biologie et dans les processus de conversion de l'énergie [1].


Nous nous intéressons aux sites actifs d'enzymes dinucléaires à fer dont elle modélise la structure électronique et la réactivité. Au cours de ses études, nous avons récemment isolé un complexe à valence mixte FeIIFeIII (Figure 1) dans lequel l'ion FeII (en vert sur la figure) est complexé par un ligand aniline dont l'azote (N20) est doublement protonné.

 

Structure cristallographique du complexe à valence mixte dicationique [FeIIIFeII(L-BnNH2)(mpdp)]2+. FeIII en rose ; FeII en vert.

Des études physico-chimiques, en particulier par spectroscopies RMN et Mössbauer, ont montré que lorsque ce complexe est mis en présence de bases, le ligand aniline est déprotonné par la base pour donner un anilinate complexé à un ion FeIII. Comme le complexe résultant est toujours un complexe à valence mixte FeIIFeIII, il s'ensuit que la déprotonation de l'aniline a induit un transfert d'électron interne à la paire à valence mixte, comme indiqué sur le schéma 1.

La déprotonation de l'aniline induit un transfert d'électron interne à la paire à valence mixte.


Ce processus, réversible par addition d'acide, est le deuxième exemple décrit dans la littérature d'une inversion de valence induite par (dé)protonation [2]. Le premier et unique exemple est fourni par l'hémerythrine, transporteur d'oxygène chez des invertébrés, dont les formes à valence mixte s'inversent en fonction du pH [3].

Ce processus est donc le transfert d'un électron associé au transfert d'un proton. Le mécanisme de ce transfert a été étudié en collaboration avec le Laboratoire d'Électrochimie Moléculaire de l'Université Diderot. Le schéma 2 (M1 = M2 = Fe, n=2) résume les trois possibilités mécanistiques qui peuvent exister : transferts successifs de l'électron puis du proton (EPT) ou l'inverse (PET) ou transfert concerté de l'électron et du proton (CPET).



Trois possibilités mécanistiques peuvent exister :
• EPT : transferts successifs de l'électron puis du proton
• PET : inverse de EPT
• CPET : transfert concerté de l'électron et du proton.

Des études électrochimiques approfondies de la réaction, appuyées par la simulation mathématique des cinétiques des réactions mises en jeu, ont permis de proposer que dans la réaction observée les transferts de l'électron et du proton sont concertés. Ceci a été corroboré par l'observation que la cinétique du transfert concerté est différente en présence de CH3OH ou de CD3OD : en présence de CD3OD l'aniline est deutérée ce qui a pour effet de ralentir le processus global d'un facteur 2 du fait que le transfert d'un deutéron est plus lent que celui d'un proton. La méthodologie électrochimique développée dans ce travail a une valeur générale et pourra être utilisée dans de nombreux autres cas [4].

Ce travail, réalisé dans le cadre de l'ANR Bi3Pro, a pour objectif de déchiffrer le mécanisme d'un transfert d'électron intramoléculaire déclenché par le pH au sein d'un complexe de fer binucléaire. Par ailleurs, ce système peut aussi être vu comme un interrupteur moléculaire contrôlé par le pH. Ainsi, ce projet possède des finalités importantes sur le plan fondamental et potentielles sur un plan appliqué. Il se poursuivra par l'étude des différents paramètres qui influencent ce processus, en particulier les potentiels rédox des deux sites à fer et l'acidité du ligand protique.

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