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Fait marquant

Pourquoi vous avez mal aux pieds, ou les surprises de l'analyse immunoprotéomique


En étudiant par des techniques d'analyse protéomique les protéines sécrétées par des cellules jouant un rôle clé dans la réponse immune, des chercheurs notre laboratoire et de l'Institut Albert Bonniot ont identifié des protéines capables de lier un constituant des parois de certains champignons. L'une d'entre elles est capable d'induire une réponse immunitaire partielle de ces cellules. Les expériences menées et les résultats obtenus contribuent à expliquer la grande résistance de certaines mycoses au système immunitaire.

Publié le 6 mars 2010

Les mycoses cutanées, comme le pied d'athlète, font partie des ces petites affections dont il est difficile de se débarrasser, mais qui restent bénignes. Ce n'est hélas pas le cas de toutes les mycoses, qui peuvent être fatales aux sujets immunodéprimés, ou d'autres infections par des parasites comme les amibiases. Ce qui caractérise ces affections, c'est leur grande résistance au système immunitaire. Celui-ci arrive souvent à les contrôler, mais difficilement à les éradiquer, alors même que ces parasites, non intracellulaires et à croissance lente, devraient être facilement éliminés par notre système immunitaire.

Cette question peut sembler éloignée des analyses fondamentales en immunologie, et pourtant le lien est plus court qu'il n'y paraît.

Des chercheurs de notre laboratoire, en collaboration avec des chercheurs de l'Institut Albert Bonniot, se sont en effet intéressés au fonctionnement des cellules dendritiques. Ces cellules jouent un rôle clé dans la réponse immune en étant capables d'activer les cellules effectrices de la réponse immune, en particulier les lymphocytes T, qui activent à leur tour les autres cellules effectrices de la réponse immune.

En étudiant par des techniques d'analyse protéomique les protéines sécrétées par les cellules dendritiques (analyse du secrétome), ces chercheurs ont retrouvés les cytokines communément décrites, mais aussi trouvé des protéines peu caractérisées, comme la lectine YM1. Cette protéine a la capacité de lier certains sucres particuliers, comme l'héparane que l'on retrouve dans la matrice extracellulaire de nos tissus, mais aussi le chitosane qui est un constituant des parois de certains champignons, mais aussi des parois de formes enkystantes de certains protozoaires. Cette découverte ont immédiatement amené ces chercheurs à réaliser certaines expériences visant à comprendre l'effet du chitosane sur les cellules dendritiques.


Gel 2D
Analyse protéomique des protéines sécrétées par les cellules dendritiques.

Ces expériences ont alors montré que le chitosane était capable d'induire une réponse partielle des cellules dendritiques. Celles ci actionnent leur programme d'activation membranaire, comme pour tout démarrage d'une réponse immune, mais s'avèrent incapables de sécréter les cytokines nécessaires. En conséquence, les cellules dendritiques traitées par le chitosane sont incapables de stimuler les lymphocytes T, et donc d'activer une réponse immune efficace. Cependant, cette immunosuppression n'est pas dominante : des cellules dendritiques traitées en même temps par du chitosane et des produits bactériens comme le lipopolysaccharide, activateur puissant, sont capables de stimuler normalement les lymphocytes T.

Replacés dans un contexte physiologique, ces résultats suggèrent que le chitosane peut induire une immunodulation négative et localisée aux sites où il est présent en fortes concentrations, typiquement les sites d'infection par des organismes en contenant dans leur paroi, et donc participer aux phénomènes de survie de ces organismes en présence du système immunitaire. Ceci pourrait contribuer à expliquer la persistance de ces parasites, par un mécanisme d'adaptation fin jouant sur les mécanismes de contrôle interne du système immunitaire, tout en évitant une immunosuppression massive qui serait dommageable pour l'hôte et pour le parasite.

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