En analyse protéomique, pour des raisons de précision et de sensibilité, la caractérisation finale s'effectue par spectrométrie de masse. En revanche, de nombreuses possibilités expérimentales s'offrent au chercheur pour explorer au mieux le
protéome* de l'échantillon d'intérêt. Parmi elles, l'électrophorèse bidimensionnelle des protéines reste une option de choix du fait de ses caractéristiques uniques :
• Utilisant deux paramètres physico-chimiques indépendants des protéines (le point isoélectrique et la masse moléculaire), elle permet une séparation optimale des protéines, et plusieurs centaines de protéines peuvent être séparées en une seule expérience.
• Une analyse quantitative précise des protéines est possible après coloration générale des protéines sur le gel d'électrophorèse. Cette analyse quantitative permet en particulier de réaliser des études différentielles précises, et d'analyser en spectrométrie de masse uniquement les protéines présentant une variation d'expression intéressante pour le phénomène étudié.
• La séparation selon deux paramètres, et en particulier selon le point isoélectrique, permet souvent de mettre en évidence les formes modifiées des protéines.
• Cette technique reste la seule technique d'analyse à haute résolution des protéines entières.
Ces caractéristiques en font un outil irremplaçable à l'heure actuelle
[1], en particulier pour certaines études à visées fondamentales. En effet, de nombreuses différences de fonctions cellulaires sont obtenues par des altérations de la quantité et de la fonctionnalité des protéines. Ces changements de fonctionnalité sont généralement liés à une modification de la protéine après sa production à partir de la séquence du gène. Un exemple simple est représenté par les enzymes digestives, qui sont produites et stockées sous forme inactive, et qui sont activées au bon endroit et au bon moment par excision d'une petite partie de la protéine (peptide), ce qui change la structure de la protéine et donc sa fonctionnalité.
Comme l'illustre cet exemple, ces changements de fonctionnalité sont souvent obtenus par des modifications peu nombreuses sur la protéine, ce qui rend leur détection difficile sur les peptides préparés par digestion, tout simplement parce qu'il est difficile d'analyser tous les peptides ainsi obtenus. En revanche, ces modifications sont souvent visibles aisément sur la protéine entière, même si leur caractérisation s'avère parfois difficile (pour un exemple, voir
[2]). Une analyse des protéines entières s'avère souvent irremplaçable, et l'électrophorèse bidimensionnelle est encore à ce jour la plus performante des techniques d'analyse sur ce plan.
En revanche, l'utilisation de cette technique suppose bien évidemment d'être capable d'extraire les protéines des échantillons biologiques, dans des conditions compatibles avec l'analyse par l'électrophorèse bidimensionnelle, et de maintenir les protéines en solution tout au long du processus. Du fait de l'hétérogénéité des protéines et des conditions particulières prévalant en électrophorèse bidimensionnelle, cette solubilisation suppose un vrai savoir-faire et s'obtient par des combinaisons de chaotropes (comme l'urée) et de surfactants non chargés.
Thierry Rabilloud (équipe ProMD de notre laboratoire) a développé ce savoir-faire au cours des années
[3-5]. Par exemple, des changements dans la composition en chaotropes et en surfactants permettent de visualiser des protéines qui passeraient inaperçues dans l'analyse, comme certaines protéines membranaires (
Figure). Ce savoir-faire est maintenant compilé et transmis à la communauté scientifique sous forme d'articles de revues et de chapitres d'ouvrages
[6, 7].
Le
Protéome d’un échantillon biologique donné correspond à l’ensemble des protéines présentes dans cet échantillon.