Dans un souci de développement de systèmes catalytiques d’oxygénation toujours plus respectueux de l’environnement, une attention particulière est apportée à une petite molécule extrêmement riche en atome d’oxygène (87 % d’oxygène actif !), non toxique, extrêmement abondante et de ce fait peu coûteuse : la molécule d’eau.
Dans le cadre du développement d’une chimie verte, l’eau s’avère être un donneur d’atome d’oxygène de choix en évitant l’emploi d’oxydants puissants, souvent coûteux et toxiques. Néanmoins, en raison de la stabilité de la molécule d'eau et pour rendre l’atome d’oxygène transférable à un substrat organique, il est nécessaire de l’activer. La Nature, par l’intermédiaire du photosystème II (PS II), réalise cette opération en fixant des molécules d’eau sur un centre poly-métallique à manganèse. L’absorption de photons de la lumière visible par un chromophore photosensible est la première étape de ce processus d’activation.
Des chercheurs de notre laboratoire ont décidé de s'inspirer de la Nature en associant au sein d’une même entité, une partie photosensible (un complexe polypyridinique de ruthénium) et un centre catalytique métallique capable de fixer des molécules d’eau et de les activer. Dans le cas du PS II, le système évolue vers la libération d’oxygène moléculaire. Ces chercheurs ont souhaité que le centre catalytique oxyde, non pas l’eau mais un substrat organique introduit dans le milieu réactionnel. Ainsi, ils ont synthétisé une dyade associant les deux partenaires complémentaires (photosensibilisateur et centre catalytique Figure), l'ont totalement caractérisée puis ont évalué ses propriétés catalytiques en oxydation photocatalytique de sulfures dans une solution aqueuse. L’irradiation lumineuse a été réalisée avec un système de LED bleues, particulièrement économique, faiblement énergivore et émettant à une longueur d’onde permettant l’excitation du photosensibilisateur. Cette excitation initie alors un transfert d’électrons du centre catalytique vers un accepteur d’électron sacrificiel via le photosensibilisateur permettant, de ce fait, au centre catalytique d’ «extraire » l’atome d’oxygène de la molécule d’eau pour le transférer sur le substrat organique. Au cours de ce travail, l’intérêt d’associer au sein de la même entité les deux partenaires pour une réaction plus efficace a été mis en évidence. Ainsi, jusqu'à 200 cycles catalytiques ont été obtenus avec la dyade, c'est-à-dire 3 à 4 fois plus qu'avec un système bi-moléculaire.
Fonctionnement de la dyade associant les deux partenaires complémentaires (photosensibilisateur et centre catalytique). Sous l'action de la lumière, l’atome d’oxygène de l’eau est transféré à un substrat organique.
Sur la base de ce système ces chercheurs travaillent maintenant sur deux perspectives. La première consiste à substituer l’accepteur d’électron sacrificiel par une autre espèce catalytique en mesure d’utiliser ces électrons pour réaliser une réaction de réduction intéressante, comme par exemple la réduction du CO2. Ainsi, dans le même milieu, il serait alors possible de réaliser deux réactions complémentaires sans perte, conduisant à la formation de deux types de molécules d’intérêt, l’une réduite et l’autre oxydée. Dans un second volet, il est envisagé d’introduire sur le photo-catalyseur un ligand chiral afin de réaliser de la photo-catalyse d’oxydation asymétrique. En effet, selon une étude récente, sur 128 médicaments synthétisés par trois grosses firmes pharmaceutiques, seuls 20 % des molécules chirales sont obtenues par des procédés catalytiques. De nombreux efforts restent donc à réaliser pour donner à la catalyse asymétrique une place plus importante, notamment dans le domaine industriel.
C’est dans ce contexte de développement de nouveaux catalyseurs asymétriques plus respectueux de l’environnement que ces recherches sont menées. Ce travail a comme objectif de pouvoir accéder facilement à de nombreuses molécules oxydées chirales en utilisant l’eau comme seule source d’atome d’oxygène et la lumière pour l’activation (indirecte) de cette molécule particulièrement stable.
Un photosystème est un ensemble formé par des protéines et des pigments. Il intervient dans les mécanismes de la photosynthèse en absorbant les photons de la lumière.
Une molécule est dite chirale si elle constitue l’image miroir d’une autre molécule avec laquelle elle ne se superpose pas. De tels objets se présentent alors sous deux formes, qui sont l’image miroir l’une de l'autre. Du fait de cette asymétrie au niveau moléculaire, les deux formes d'une molécule lévogyre et dextrogyre (L et D), un médicament par exemple, peuvent avoir des effets physiologiques différents voire antagonistes.