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Fait marquant

Électrocatalyse et hydrogène : phase inorganique amorphe ou polymère de coordination ?



Nous avons [collaboration] déchiffré la structure du sulfure de molybdène amorphe, un catalyseur capable de remplacer les métaux nobles comme le platine pour la production d’hydrogène. Ce polymère de coordination, qui intéresse l’industrie par ses atouts technologiques et son abondance, n’est pas structuré comme nous le pensions.

Publié le 21 mars 2016
De nombreux efforts se focalisent actuellement sur la découverte de catalyseurs de production d’hydrogène à base de métaux non-nobles. Dans ce contexte, les sulfures de molybdène, notamment sous forme amorphe, apparaissent très prometteurs. Des chercheurs de notre laboratoire et de l’équipe BiosCiences de l’Institut des Sciences Moléculaires de Marseille, en collaboration avec des chercheurs de l’université franco-vietnamienne de Science et Technologie de Hanoï ont découvert que le sulfure de molybdène amorphe est en fait un polymère de coordination basé sur des motifs [Mo3S13]2– partageant des ligands disulfure. Le mécanisme catalytique de production d’hydrogène a ainsi pu être réinterprété et associé à la formation d’intermédiaires catalytiques de type hydrures de molybdène(V).

Les sulfures de molybdène suscitent un énorme intérêt pour des applications en stockage électrochimique dans les batteries du fait de leur structure cristalline similaire au graphène. Ils forment aussi une classe de catalyseurs de production d’hydrogène très étudiée du fait de leur très grande activité en conditions acides et de l’abondance du molybdène dans la couche terrestre. En particulier, une forme amorphe peut être synthétisée par électrodéposition ou par chimie en solution et se révèle particulièrement active pour la production d’hydrogène. Jusqu’alors cette activité catalytique était interprétée sur la base de l’addition d’atomes d’hydrogène, via un mécanisme de transfert d’électron couplé à un transfert de proton sur des ligands sulfure pontant entre deux ions molybdène et exposés à l’électrolyte. 

Les chercheurs se sont penchés sur ce matériau et ont développé une série de mesures spectroscopiques, électrochimiques et de caractérisation de surface qui a permis de révéler que cette phase amorphe était en fait un polymère de coordination à base de trimères [Mo3S13]2– bien connus et connectés par des ligands disulfure (Figure).


Proposition de structure pour le sulfure de molybdène amorphe. Ce composé est un polymère de coordination basé sur des motifs [Mo3S13]2– partageant des ligands disulfures pontants. Dans les conditions de catalyse, les ligands disulfure terminaux sont éliminés et permettent la génération d’hydrures de MoV actifs pour l’électrocatalyse de production d’hydrogène. La structure est superposée sur une image de microscopie électronique à transmission qui permet de visualiser l’arrangement des atomes de Mo sous forme de trimères dans le polymère de coordination.

La présence de défauts au sein de ce matériau a été mise en évidence et leurs structures établies sur la base d’observations spectroscopiques couplées à des calculs de chimie quantique. Sur la base de ces découvertes, les scientifiques ont pu revisiter le mécanisme catalytique et montrer que le déplacement du ligand disulfure terminal restant sur chaque trimère permettait la génération, dans les conditions de catalyse, d’un hydrure de molybdène(V). Ce dernier est l’espèce active lors de la réaction catalytique de production d’hydrogène.

Il était déjà connu depuis les travaux de D. Nocera que les oxydes métalliques amorphes possédaient des structures moléculaires qui leur conféraient de remarquables propriétés catalytiques pour l’oxydation de l’eau. Avec le sulfure de molybdène, c’est un premier exemple de matériau amorphe à structure moléculaire qui est fourni ici pour la production d’hydrogène par réduction des protons, qui constitue l’autre demi-réaction rédox de l’électrolyse de l’eau. Ces résultats ouvrent également la voie à l’optimisation rationnelle de cette classe de matériaux grâce aux outils de la chimie de coordination

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