Le millepertuis (Hypericum perforatum) est une plante herbacée vivace communément appelé « Herbe de la Saint-Jean » car sa floraison survient fin juin. Le nom courant de cette plante (millepertuis perforé) est dû à l’aspect de ses feuilles qui semblent présenter de très nombreux trous. Le millepertuis a été décrit et utilisé en médecine traditionnelle depuis plus de deux milles ans pour un large spectre d’indications thérapeutiques. Au milieu des années 1980, les autorités de santé allemandes furent les premières à autoriser la vente et la consommation d’extraits d’Hypericum perforatum pour le traitement des troubles dépressifs. Bien toléré, induisant peu d’effets secondaires, le millepertuis apparaît comme une alternative efficace face aux antidépresseurs de synthèse dans le traitement des formes légères à modérées des troubles de l’humeur.
Plusieurs groupes de substances bioactives ont été isolées à partir du millepertuis dont les phloroglucinols, essentiellement l’adhyperforine et l’hyperforine. Même si divers constituants présents dans ces extraits participent aux effets antidépresseurs, l’hyperforine apparaît comme l’acteur central responsable de l’efficacité thérapeutique des extraits d’Hypericum perforatum. Comme les antidépresseurs de synthèse, l’hyperforine inhibe, in vitro, la recapture de neurotransmetteurs (dopamine, noradrénaline, sérotonine, glutamate, GABA). Chez l’animal, elle augmente les taux extracellulaires de catécholamines, sérotonine et de glutamate ou stimule la libération d’acétylcholine.
Des chercheurs de notre laboratoire s’intéressent à l’hyperforine compte tenu de ses propriétés pharmacologiques. En effet, elle possède l'intéressante propriété d’être un activateur sélectif des canaux cationiques TRPC6, des protéines membranaires permettant des influx de calcium, de sodium et perméables au zinc. Par ailleurs, ces chercheurs ont montré que l’hyperforine provoque une dépolarisation du potentiel de membrane mitochondrial, provoquant la sortie d’ions zinc à partir de ces organelles. Un traitement chronique sur des neurones en culture ainsi que sur des souris (4 semaines de traitement par injection intra-péritonéale) s’accompagne d’une redistribution intracellulaire du zinc, d’une augmentation de l’expression des métallothionéines et d’une expression accrue des canaux TRPC6 ainsi que de TrkB, un récepteur du BDNF (brain-derived neurotrophic factor), un important facteur de croissance impliqué dans la survie et la croissance neuronale [1-5]. Il a également été montré que l’hyperforine interfère avec le métabolisme du précurseur du peptide ß amyloïde (APP) : elle favorise la formation du dérivé sAPP s’opposant ainsi à la voie amyloïdogénique qui conduit à la formation des peptides amyloïdes (Aß40, Aß42).
Divers laboratoires tentent de synthétiser des dérivés de l’hyperforine, par ailleurs un puissant inhibiteur d'enzymes impliquées dans des réactions inflammatoires. Un autre intérêt thérapeutique de l’hyperforine concerne ses propriétés anti-tumorales : elle exerce une toxicité directe sur les cellules cancéreuses et inhibe la vascularisation des tumeurs. L’hyperforine s’est en effet révélé être, in vitro et in vivo sur des modèles animaux, un inhibiteur de l’angiogenèse. Elle inhibe la sécrétion et la production d’enzymes dégradant la matrice extracellulaire, freinant la croissance et la migration des cellules endothéliales vasculaires.
L’hyperforine est loin de constituer la panacée universelle mais possède d’intéressantes propriétés pharmacologiques qui nourrissent un nombre croissant d’études à son sujet. Un enjeu majeur des recherches futures consiste notamment à développer des dérivés plus stables et plus spécifiques.
Au niveau cellulaire, l’hyperforine dépolarise le potentiel de membrane mitochondrial, libérant du zinc (et du calcium) hors de ces organites. Par ailleurs, c’est un puissant activateur de TRPC6, des canaux cationiques de la membrane plasmique. Lors d’un traitement chronique, l’hyperforine contrôle, via une cascade de signalisation intracellulaire impliquant la protéine kinase A (PKA) et le facteur de transcription CREB, l’expression des canaux TRPC6 et de TrkB, le récepteur du facteur de croissance BDNF.