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Rôle des protéines transporteurs du cuivre dans l'inflammation chronique : Cas de la mucoviscidose

Publié le 23 janvier 2019
Mohamed Benharouga, maître de conférences à l'UJF

Thématiques de recherche

Les maladies inflammatoires chroniques représentent la troisième cause de mortalité en France, juste après les affections cardiovasculaires et les cancers. Parmi ces pathologies, on dénote un nombre important d'affection pulmonaires. Le syndrome de détresse respiratoire aiguë, la broncho-pneumopathie chronique obstructive, l'aspergillose invasive, ou encore la mucoviscidose font partie de ces pathologies. La mucoviscidose est la maladie génétique récessive autosomale la plus répandue dans les populations caucasiennes. Le gène responsable encode une protéine transmembranaire appelée CFTR (Figure) [Riordan et al., 1989]. Les mutations de ce gène conduisent à une dérégulation du canal Cl- et Na+ associée à une déshydratation du mucus, une inflammation et infection bronchiques entrainant une insuffisance respiratoire de type obstructive, première cause de morbidité et mortalité. La cascade d'événements associée à la progression de la maladie pourrait impliquer tout d'abord le déclenchement d'une inflammation pulmonaire et dans un second temps, l'apparition d'une infection des voies respiratoires [Armstrong et al., 1997], laissant suggérer que d'autres événements pourraient être à l'origine de son installation. Le stress oxydant, largement accepté comme un composant critique de plusieurs pathologies, peut être lié au développement des maladies coronariennes, aux accidents vasculaires cérébraux, aux cancers et à la maladie d'Alzheimer. Il se définit par un déséquilibre entre la production des espèces réactives oxygénées et azotées (ROS) et les mécanismes de défense et de détoxification. Ainsi, les acteurs du stress oxydant peuvent avoir des effets délétères sur de nombreux constituants des cellules comme les protéines, les lipides ou encore les acides nucléiques.

Figure : Biosynthèse et expression cellulaire de la protéine CFTR sauvage et mutée ΔF508.

La protéine CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane Regulator) possède 2 domaines membranaires, constitués chacun de 6 segments transmembranaires, et 3 domaines cytoplasmiques : 2 domaines de fixation des nucléotides et un domaine régulateur. CFTR forme un canal anionique permettant la diffusion des ions chlorure après phosphorylation du domaine régulateur, fixation de MgATP, puis hydrolyse. Comme toutes les protéines membranaires, CFTR est synthétisée dans le réticulum endoplasmique (RE). Durant son export vers la membrane plasmique, CFTR subit une maturation dans l'appareil de Golgi (AG) La mutation la plus fréquente (70% des malades) est la délétion d'une Phe du premier domaine nucléotidique (ΔF508). Cette mutation provoque l'arrêt de CFTR dans le réticulum et sa dégradation par des mécanismes encore mal cernés. Quand on parvient par un artifice à l'adresser correctement à la membrane plasmique, ΔF508 forme un canal chlorure fonctionnel. Il est donc très important de comprendre comment ΔF508 est dégradé dans le réticulum pour établir une stratégie assurant son insertion dans la membrane plasmique de cellules malades et rétablissant le transport de chlorure.

Dans la mucoviscidose, l'importance des phénomènes d'infection et d'inflammation contribue à la production en excès de radicaux libres oxygéné, qui insuffisamment compensée par les moyens de défense antioxydants serait impliquée dans l'altération de la fonction pulmonaire [Lagrange-Puget et al., 2004]. On observe chez les patients une diminution de l'activité de trois enzymes impliquées dans la detoxification de la cellule : la superoxyde dismutase dépendante du cuivre et du zinc (Cu/Zn-SOD), la cytochrome C oxydase (dépendante du cuivre) et la glutathion peroxidase (GP) [Best et al., 2004]. On observe aussi un déficit de la sécrétion pulmonaire du glutathion (GSH) dont la fonction essentielle est l'élimination de substances toxiques et la neutralisation de métaux lourd comme le cuivre (Cu) [Rottner et al., 2009]. Le Cu, troisième élément de transition le plus abondant dans les cellules après le fer et le zinc est indispensable à la vie des eucaryotes et des procaryotes. La perturbation de son métabolisme, qui peut être génétiques (Wilson, Menkes,..) ou acquises (stress oxydant à l'origine d'inflammation chronique) [Coronado et al., 2005], peut être à l'origine de sévères dommages cellulaires. Ainsi, l'homéostasie du Cu est finement régulée par l'intervention de transporteurs comme les ATPases de type P (ATP7A et ATP7B), et des protéines de régulation telles que la protéine prion (PrP), la protéine COMMD1 et les métallochaperonnes [Tao and Gitlin, 2003]. En cas d'inflammation, un traitement au cuivre peut induire une augmentation du nombre de neutrophiles circulants au niveau pulmonaire, une sécrétion d'IL8 via une production de ROS, d'IL6, et une activation de
NFγB et de COX2 [Bar-Or et al., 2003]. Il ressort de l'ensemble de ces données, que l'homéostasie du cuivre dans la mucoviscidose pourrait être un facteur déterminant dans le déclenchement et le maintien de l'inflammation pulmonaire. Nos études visent à définir la relation entre l'état cuprique et le stress oxydatif chez les malades, à caractériser l'implication du cuivre dans l'expression des facteurs pro-et anti-inflammatoire, antioxydants, et des médiateurs du stress oxydatif, mais également de définir le rôle du gène CFTR sur la régulation des médiateurs de l'inflammation à l'état basal et après un stimulus cuprique.

Les travaux proposés apporteront de nouvelles connaissances sur l'implication du cuivre dans les processus d'inflammation pulmonaire, et permettrons de caractériser le rôle des transporteurs de cuivre dans la réponse au stress oxydant. Par ailleurs les résultats obtenus permettront de définir le rôle de CFTR sur le contrôle des taux de cuivre intracellulaire. A terme, ce projet pourrait permettre d'identifier de nouvelles cibles thérapeutiques pour les maladies inflammatoires chroniques pulmonaires telles que la mucoviscidose.

Techniques

Biologie moléculaire - Biochimie - Biologie cellulaire