La production d’hydrogène par électrolyse de l’eau et son exploitation ultérieure comme carburant, par exemple dans les piles à combustibles, offre des perspectives intéressantes dans le domaine du stockage des énergies, notamment renouvelables. Mais, ces techniques à la fois performantes et prometteuses nécessitent l’utilisation de catalyseurs à base de métaux nobles, chers et peu abondants, comme le platine. Il faut donc trouver des solutions alternatives.
Certains microorganismes, notamment des micro-algues, sont capables de produire de l’hydrogène ou d’utiliser l’hydrogène comme source d’énergie pour alimenter leur métabolisme. Ils utilisent comme catalyseur des métalloenzymes, à base de métaux abondants comme le fer. Ces métalloenzymes douées de propriétés catalytiques remarquables sont appelées hydrogénases. Elles représentent aujourd’hui des alternatives naturelles au platine pour l’élaboration de bioélectrolyseurs ou de biopiles à combustible de plus en plus efficaces. Toutefois, les sites actifs de ces enzymes sont complexes et leur biosynthèse nécessite des machineries biologiques spécifiques, encore mal connues et mal caractérisées, qui ne fonctionnent efficacement qu’in cellulo.
Des chercheurs du CEA, du Collège de France, du CNRS et de l’université Joseph Fourier à Grenoble [2], membres du Labex ARCANE [3], viennent de mettre au point un réactif qui est capable de transformer, in vitro et avec une grande efficacité, une hydrogénase inactive [4] en une hydrogénase totalement active. Ce réactif original, constitué d’un complexe biomimétique de synthèse (un petit cluster de fer analogue du site actif) et d’une protéine qui le stabilise, est capable de réagir avec l’hydrogénase inactive en lui transférant la partie biomimétique synthétique. La structure de cette dernière est suffisamment proche du site actif naturel pour qu’elle confère à l’enzyme ainsi reconstituée sa puissance catalytique naturelle. Pour arriver à un tel résultat, les chercheurs se sont appuyés sur une approche multidisciplinaire combinant chimie organométallique et biomimétique, chimie des protéines et spectroscopies.
Cette activation « artificielle » des hydrogénases ouvre de formidables perspectives tant en termes de recherche fondamentale qu’en termes d’applications. Ces résultats permettront de mieux comprendre l’impact de l’environnement protéique sur la réactivité du site actif de l’enzyme. Sur le plan des applications, ces nouvelles données faciliteront l’exploration de la biodiversité des hydrogénases, à la recherche de l’enzyme la plus efficace et la plus stable pour des utilisations technologiques.
Ce procédé pourrait à terme permettre, via la synthèse d’analogues de sites actifs diversifiés, « d’inventer » de nouvelles enzymes, des hydrogénases artificielles. Autant de nouveaux catalyseurs potentiels pour les piles à combustibles de demain ou pour la production d’hydrogène à partir d’énergies renouvelables.
Vue d’artiste montrant le site actif d’une hydrogénase [FeFe] d’abord assemblé in vitro avant d’être inséré dans l’enzyme issue d’une micro-algue verte (les atomes de fer, de soufre, d’azote, de carbone et d’oxygène sont respectivement représentés en orange, jaune, bleu, gris et rouge)
© MPI-CEC Mülheim
[1] Laboratoire de chimie et de biologie des métaux (unité mixte CEA/CNRS/Université Joseph Fourier) - IRTSV (Institut de recherches en technologie et sciences pour le vivant) – INAC (Institut nanosciences et cryogénie).
[2] En collaboration avec l’Institut Max Planck de Mülheim pour la Conversion Chimique de l’Energie et l’université de la Ruhr à Bochum, en Allemagne.
[3] Le Labex ARCANE est un laboratoire d'excellence dans le domaine de la chimie durable au service de la santé et des énergies renouvelables qui réunit l'ensemble des acteurs signataires de cette publication.
[4] Hydrogénase à laquelle il manque le site actif, on parle d’apo-hydrogénase.